Par la Loi DDADUE (Diverses Dispositions d’Adaptation au Droit de l’Union Européenne) du 24 avril dernier, la France s’est mise en conformité avec la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui prévoit en son article 31 §2 que « Tout travailleur a droit à (…) une période annuelle de congés payés. »
C’est sur le point des congés annuels des salariés en arrêt maladie que la règle de droit français n’était pas conforme à cette Charte : en effet, jusqu’alors, les dispositions du Code du travail empêchaient toute acquisition de congés payés pendant un arrêt de travail pour maladie non professionnelle, quelle qu’en soit la durée, et au-delà d’un an pour les arrêts liés à un accident du travail ou une maladie professionnelle.
Pour réformer le Code du travail sur ce thème, le législateur français s’est appuyé sur l’article 7 de la directive européenne 2003/88 du 4 novembre 2003, qui dispose que « Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines (…) ».
Récapitulatif des changements apportés par la loi du 24 Avril 2024
Délai de report : Quelques exemples pour y voir plus clair !
Cas général du report des congés payés non pris en raison d’un arrêt de travail:
Soit un salarié absent du 1er janvier 2025 au 2 avril 2025 pour maladie. Dans l’entreprise, la période de prise des congés est fixée du 1er juin 2024 au 31 mai 2025 (pour les congés acquis entre le 1er juin 2023 et le 31 mai 2024) et du 1er mai 2025 au 30 avril 2026 (pour les congés acquis entre le 1er juin 2024 et le 31 mai 2025). Le salarié reprend son travail le 2 avril 2025 et l’employeur l’informe de ses droits le 15 avril 2025.
Dans cette situation:
– les congés acquis avant la maladie (c’est-à-dire le solde de ses congés au 1er janvier 2025, date du début de l’arrêt de travail) peuvent être reportés jusqu’au 15 juillet 2026 (15 avril 2024 + 15 mois), le salarié étant dans l’impossibilité de les prendre avant le 31 mai 2025;
– en revanche, les congés acquis par le salarié pendant sa maladie (du 1er janvier au 2 avril 2025) ne font pas l’objet d’un report dans la mesure où la reprise du travail intervient avant le début de la période de prise prévue pour ces congés (du 1er mai 2025 au 30 avril 2026).
Source: Code du travail numérique
Cas particuliers :
Salarié n’ayant pas repris le travail avant l’expiration de la période de report
Si le salarié n’a toujours pas repris le travail à l’issue de cette période de report, les congés payés acquis durant l’arrêt de travail couvrant ladite période d’acquisition sont perdus.
Le salarié est absent depuis le 26 avril 2024 pour maladie et n’a pas repris le travail à la fin de la période d’acquisition, le 31 mai 2025. Dans ce cas, la période de report débute le 1er juin 2025 et les droits à congé sont perdus si le salarié est toujours absent pour maladie à la date du 1er septembre 2026.
Source: Code du travail numérique.
Salarié reprenant le travail durant la période de report
Si la période de report n’est pas expirée à la date de reprise du travail, elle est suspendue jusqu’à ce que le salarié ait reçu de l’employeur les informations sur ses droits à congés payés (C. trav., art. L. 3141-19-2, al. 2 nouveau)
Exemple: Le salarié est absent pour maladie du 26 avril 2024 au 31 juillet 2025. Le salarié étant toujours absent le 31 mai 2025 (date à laquelle s’achève la période d’acquisition des congés), la période de report s’étend du 1er juin 2025 au 1er septembre 2026. Si le salarié revient le 1er août 2026 la période de report (un mois restant) est suspendue jusqu’au jour où l’employeur délivre au salarié l’information sur ses droits à congés. Si l’employeur donne cette information au salarié le 7 août, la période de report expire le 7 septembre 2026 (au lieu du 1er septembre 2026).
Source: Code du travail numérique
Salarié retombant malade pendant la période de report
Soit, si on reprend l’exemple précédent, le salarié qui revient le 1 er août 2025. Informé de ses droits à congés le 7 août, la période de report est prolongée au 7 septembre, mais le 10 septembre il retombe malade et est à nouveau durablement arrêté. Qu’en est-il de ses jours de congés ? N’ayant pu les prendre, sont-ils perdus ?
Réponse pour le moins énigmatique de la Direction Générale du Travail qui, constatant que cette situation n’a pas été légiférée dans la Loi du 24 avril, indique que « l’employeur devra adapter la situation au cas par cas pour laisser une durée suffisante au salarié si ce dernier se trouve dans l’impossibilité d’exercer son droit sur la période de report à cause d’une période d’absence significative ».
Cette recommandation s’inspire sans doute de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), qui au travers de plusieurs décisions rappelle que le salarié qui n’a pas été en mesure de poser ses jours de congés pendant la période de référence ou de report, ne peut voir purement et simplement ces jours supprimés.
Ceci étant, elle paraît difficilement compréhensible et peut créer un sentiment d’injustice : pourquoi le salarié n’ayant pas repris le travail à l’issue des périodes de référence perdrait-il ses jours de congés et pourquoi celui qui a repris le travail pendant la période de report mais est retombé malade pendant celle-ci aurait-il droit à « une durée suffisante » pour poser ses congés ?
Que retenir ?
Que c’est à l’employeur et aux partenaires sociaux de s’emparer du sujet pour mettre en place une règle claire, cohérente … et collective, contrairement à ce qu’indique la DGT : sur un sujet aussi sensible que les congés, la règle doit être comprise par tous et s’appliquer uniformément. « Adapter la situation au cas par cas » semble ainsi à éviter, parce que pouvant créer un sentiment d’injustice au sein de l’entreprise.
Application Rétroactive
La loi du 22 Avril 2024 est d’application rétroactive au 1er décembre 2009, date d’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne conférant à la Charte des droits fondamentaux la même valeur que les Traités, qui s’imposent aux Etats signataires tels que la France. Elle permet donc aux salariés encore présents et sortis de revendiquer des congés payés pour les arrêts maladie remontant à cette date.
Date limite pour revendiquer les congés payés pour arrêt maladie :
Salariés encore présents: dans les 2 ans soit avant le 24 avril 2026
Salariés sortis: dans les 3 ans soit avant le 24 avril 2027
sont donc concernés les arrêts de travail ayant eu lieu depuis cette date.
Deux tempéraments toutefois à cette rétroactivité :
- il n’a pas été prévu de rétroactivité pour la mesure supprimant la limite d’un an relative à l’acquisition de congés payés durant un arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle ;
- la prescription triennale des actions en matière de paiement de salaires demeure pour les contrats de travail déjà rompus lors de l’entrée en vigueur de la Loi du 24 avril, ce qui fait obstacle aux actions en justice des salariés ayant quitté leur employeur depuis plus de trois ans (avis du Conseil d’Etat du 13 mars 2024)
Information et affichage bulletin
Cette nouvelle obligation d’information à la charge de l’employeur s’applique pour tout arrêt de travail quelle que soit sa durée. L'employeur doit informer le salarié du nombre de jours de congé disponibles et de la date limite pour les prendre dans le mois suivant la reprise du travail. Cette information doit être transmise par un moyen conférant une date certaine, comme le bulletin de paie.
Pour l’affichage des congés acquis sur le bulletin de salaire, il paraît utile d’opérer une modification de l’affichage du compteur des congés payés acquis en dissociant ceux acquis sur la base des jours travaillés et ceux acquis sur la base des jours déclarés en arrêt maladie.
Contraintes ou opportunités ?
La pratique révèle que certaines entreprises ont un régime d’acquisition de congés plus favorable en cas de maladie non professionnelle : le salarié en arrêt maladie continue alors d’acquérir des jours de congés, comme s’il travaillait (2,5 jours par mois).
Ces entreprises pourraient alors, avec cette nouvelle réforme, envisager de changer cette pratique en appliquant une acquisition de 2 jours ouvrables par mois en cas d’arrêt maladie. Attention, pour ce faire, elles devront dénoncer ce qui est considéré comme un usage plus favorable que la Loi, en appliquant les règles relatives la dénonciation de cet usage : information et consultation du CSE, notification à chaque salarié et respect d’un préavis avant entrée en vigueur de la nouvelle règle.
Vous voulez en savoir plus ? Contactez-nous :
SGRH : contact@sgrh.fr
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